Liège, rue de Rotterdam, au cœur du quartier rénové des Guillemins. Si ce n’est l’imposante gare Calatrava qui domine le voisinage et un « oufti » glané en chemin, on se croirait volontiers au Chatelain ou avenue Molière, entre maisons bourgeoises, adresses de bouche et cette émulation citadine si caractéristique des grandes villes. Une ambiance dynamique, presque incongrue, aujourd’hui devenue le nouveau standard d’un quartier qui a bien changé, enterrant à jamais le temps où le groupe liégeois Été 67 chantait : « Dans toutes les villes du monde. Le quartier le plus immonde. C’est toujours celui d’la gare. Où l’on ose pas sortir le soir ». Une énergie sur laquelle surfent volontiers Max et Dimitri, qui ont installé leurs bureaux au Rotterdam 21, à l’arrière d’une grande maison de maître reconvertie en centre d’affaires New Age qui a pour slogan Work & Feel Good et regroupe pléthore d’activités et de services dans la lignée, du studio de yoga au juice bar, et des séances de networking aux consultations en médecine esthétique.
Une ambiance cosmopolite qui n’est certainement pas pour déplaire au duo : les deux compères ont beau être de fiers Liégeois, c’est à Londres qu’ils se sont rencontrés pour la première fois, alors tous les deux actifs comme marketers au Royaume-Uni. Né à Verviers, Maximilien a débuté sa carrière en agence, avec pour mission de développer et mettre en place des campagnes d’activation dont l’objectif était d’amener du trafic dans les magasins, notamment au travers d’expériences ludiques aujourd’hui regroupées sous le mot-valise de gamification. Un secteur de niche qu’il qualifie volontiers de « retail-tech » et au sein duquel il fait la connaissance de Dimitri, startupeur dans l’âme et bourlingueur polyglotte. Comme on peut s’y attendre quand deux Liégeois se rencontrent à l’étranger, très vite, la sauce prend. Mais plus que leur amour de la Principauté, ce qui rapproche ces deux-là, c’est une vision commune sur le marketing de demain, sur la place qu’est amenée à y prendre le Digital Out Of Home (DOOH) et leur volonté de démocratiser un secteur encore trop opaque pour le grand public.
Je me souviens d’une mission pour le Dubaï Mall aux Émirats. J’ai été contacté par une chaîne de sushis qui souhaitait profiter des nombreux écrans du centre commercial pour annoncer des promotions en fin de journée pour écouler sa marchandise périssable. À l’époque rien n’existait pour permettre cela.
Dimitri Themelis, Fondateur & CEO de Glooh
Et la réflexion de faire son petit bonhomme de chemin chez les deux hommes, convaincus d’avoir identifié un pain dans lequel ils sont susceptibles de créer de la valeur en mobilisant leur expertise antérieure. L’équipe est formée, le plan est lancé. Reste désormais à passer des idées aux actes.
On est partis du problème, dans une industrie vieillissante et figée, avec l’ambition de la démocratiser. Puis on s’est demandés : How would Google do it ?
Maximilien Vériter, Fondateur & Head of Product de Glooh
La rue est à nous
Pour Max comme pour Dimitri, l’ambition est claire : dès le départ, il s’agit de connecter un maximum d’annonceurs à un maximum de canaux de diffusion, en ciblant d’un côté les TPE et les PME – qui ont difficilement accès aux campagnes d’affichage traditionnelles – et, de l’autre, tout type d’écran, de l’abri de bus aux moniteurs d’une salle de sport en passant par les panneaux d’affichage digitaux des centres commerciaux. Un bar, une cabine d’essayage, voire même une toilette… si l’espace est équipé, le duo ambitionne de s’y connecter : « Sur le principe, on peut aller très loin, explique Dimitri, car sans toujours s’en rendre compte, nous vivons dans un monde où il existe aujourd’hui une multitude de lieux et d’espaces qui sont équipés d’écrans, soit autant de canaux de diffusion potentiels ».
Des écrans qui, dans un monde qui fait dorénavant la chasse aux cookies (ces fameux fichiers de tracking des préférences individuelles sur le web, NDLR), présentent un avantage évident : autonomes de toute forme de collecte de données, ils autorisent de par leur nature un double ciblage, aussi bien géographique que d’usage, de publics dits « captifs ». Pour Dimitri et Maximilien, c’est clair « Location is the new cookie ». En plus, contrairement à un smartphone avec lequel on scrolle volontiers les contenus, difficile en effet d’échapper aux contenus qui fleurissent de-ci de-là dans notre quotidien… En visant par exemple les clubs de sport dans une certaine zone, un annonceur lambda peut ainsi s’assurer de toucher les sportifs à un moment où ils ont tout loisir de regarder les écrans de la salle. Idem avec les voyageurs dans un aéroport où les travailleurs dans un ascenseur… Techniquement, tout est possible, ou presque, à condition de s’en donner les moyens. « On peut pousser la réflexion et imaginer connecter presque n’importe quel type d’écran, même une télévision dans un Airbnb, et s’en servir comme d’une plateforme de diffusion pour des annonceurs touristiques », explique Maximilien, de la suite dans les idées. Reste toutefois à convaincre les propriétaires desdits écrans de la pertinence de l’offre de Glooh. Une barrière psychologique qui a longtemps constitué le premier obstacle rencontré les entrepreneurs.
« Traditionnellement, les grands players que sont JCDecaux ou Clear Channel se montrent réticents à ouvrir leurs écrans à de plus petits acteurs, principalement pour des raisons opérationnelles - et privilégiant une approche focalisée sur les grandes campagnes et les annonceurs internationaux. Heureusement pour nous, la crise COVID est passée par là, et avec elle, une accélération de la prise de conscience de la nécessité de travailler de concert avec des acteurs plus locaux. La solution proposée par Glooh tombait à pic ».
Qui peut le plus peut le moins
Inspirés par des plateformes telles que la « Meta Business Suite », Dimitri et Maximilien sont allés frapper à la porte des poids lourds du secteur avec un proof of concept issu de deux années de réflexion et de développement. Et une promesse : permettre à tout un chacun de planifier facilement des campagnes d’affichage digital extérieures aussi simplement qu’on le ferait sur les réseaux sociaux, soit moins de 120 secondes. « Ça a matché et nous avons commencé à travailler main dans la main avec des acteurs comme Clear Channel, ce qui a donné une amplitude nouvelle au projet ». Un modèle intuitif qui ne s’inscrit pas tant en concurrence des services proposés par les GAFA qu’en complément, insiste le duo, la plateforme Glooh étant pensée pour adapter en quelques clics des campagnes d’e-marketing à des campagnes d’affichage dynamiques dans l’espace public.
Pour commencer à utiliser Glooh, il suffit bien souvent d’une story percutante. En quelques clics, la plateforme permet de recycler celle-ci et de l’adapter à différents types d’écrans, que ce soit en format portrait ou paysage, avant d’ensuite guider l’annonceur dans la définition de ses cibles
Un modèle pensé pour particuliers et les petites structures, qui a rapidement trouvé un public réceptif, du concessionnaire auto à l’association de commerçants, en séduisant au passage quelques grands annonceurs, soucieux de se démarquer ou de partir à la rencontre de nouveaux publics. « Plutôt que de communiquer à tout va ou de s’enfermer dans une logique de microciblage chaque jour plus contraignante, plusieurs grandes marques ont pris conscience de la valeur de Glooh et sont venues s’ajouter à notre pool de clients. C’est le cas d’AXA, qui a fait appel à nous pour compléter sa stratégie digitale de promotion des assurances voyage à la veille des départs de l’été, de manière à pour cibler des endroits aux abords d’une audience voyageur, comme les gares TGV ou encore les Decathlon ».
Avec un chiffre d’affaires annuel qui avoisine le million d’euro et une offre établie en Belgique, en France, au Royaume-Uni, en Espagne et bientôt aussi au Luxembourg et aux Pays-Bas, les deux Liégeois peuvent aujourd’hui regarder leur parcours avec fierté, même si, ils en sont convaincus, le meilleur est à venir. « Nous connaissons une croissance annuelle intéressante de l’ordre de 20%, ce qui est assez traditionnel pour une PME belge. Mais nous ambitionnons une trajectoire exponentielle dans les années à venir ». C’est qu’en interne, les 17 personnes que compte la société s’activent d’arrache-pied pour développer une solution chaque jour plus robuste à même d’intégrer toujours plus de formats dans l’offre de Glooh, qui entend bien poursuivre sur sa lancée. « On a façonné la plateforme pour les PME, mais notre plus grande surprise, c’est l’engouement auprès des agences créatives, en ce compris pour des A-brands. Notre plateforme est tellement simple, qu’elle séduit aujourd’hui un nombre grandissant de marketers pro. C’est toute la beauté ! Désormais, des annonceurs de standing comme Proximus passent par nous, en ce compris pour des affichages jusque dans les toilettes, ce qui était encore impensable il y a peu. On voit aussi se développer une verticale RH, avec de plus en plus d’annonceurs qui se tournent vers Glooh à des fins de recrutement ».
Un succès qui tient avant tout à la rigueur avec laquelle Maximilien et Dimitri ont développé leur solution. Vérification en interne et modération, intégration des nouvelles technologies d’intelligence artificielle… l’équipe veille au grain pour garantir la pertinence de l’affichage dont elle se fait l’intermédiaire. « Après avoir développé du sur-mesure pendant des années, on est aujourd’hui en train d’évoluer davantage vers du prêt-à-porter ». Un service qui passe aussi par l’accompagnement des annonceurs en vue de s’assurer que chacun puisse bénéficier de la meilleure visibilité possible. « On veut rester product-led (dont la croissance est tirée par le produit, et non un service), car notre volonté est de collaborer avec les agences, pas de nous substituer, tout en proposant des services d’accompagnement précis en fonction des besoins ». Et les deux Liégeois de vanter au passage les mérites de leur média de prédilection en ce compris sur le plan environnemental, la publicité en affichage digital out of office étant, chiffres à l’appui, le modèle publicitaire le plus responsable et la plus durable.
The world is your oyster
Acronymes, clients internationaux et franglais de rigueur, les deux Liégeois passent volontiers d’une langue à l’autre, quand ils ne sont pas tout simplement à Londres ou à Paris. Des métropoles où l’on aurait volontiers imaginé les deux hommes, qui n’en défendent pas moins les avantages de Liège comme base opérationnelle face à ses imposantes voisines. Une localisation qui a certes des inconvénients, mais qui présente également un gros avantage : son rapport qualité-prix. Et ce sont des marketers spécialisés dans placement qui le disent ! Bien moins chère qu’Amsterdam ou Los Angeles, la ville est connectée aux grandes métropoles européennes, qui ne sont jamais qu’à quelques heures de train, qu’il s’agisse de Barcelone, Milan ou Francfort. De plus, on y trouve aussi des développeurs de qualité à des tarifs qui restent accessibles. Une gageure dans le secteur : « Quand on y pense, nous sommes plus proches du centre de Londres que Manchester », s’amuse Dimitri.
Et si Maximilien comme Dimitri doivent bien concéder que l’écosystème liégeois n’est peut-être pas le plus mature qui soit, du moins sur le plan tech ou media, ils préfèrent voir celui-ci comme un magnifique playground à ciel ouvert : « Si on réussit ici, on devrait réussir ailleurs ». Un optimisme à toute épreuve qui n’empêche pas non plus Glooh de faire du business ailleurs, la société réalisant la majorité de son chiffre d’affaires à l’étranger. Sans oublier l’attrait pour Liège et son terroir. « Nous sommes attachés à la ville, et notre volonté est de capitaliser sur Liège et y développer, notre QG et notre R&D tout en rayonnant sur l’ensemble du continent via nos commerciaux dans les différents pays ». Une manière aussi pour les deux entrepreneurs de rendre à la ville une partie de ce qu’elle leur a donné. Vous connaissez l’expression, “you can take the person out of the place, but you can’t take the place out of the person”.
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