Watts Up

26 novembre 2024

Facteurs de puissance

La vie moderne est faite d’une succession de petits miracles. Allumer la lumière le matin, écouter les infos à la radio, se faire couler un café, consulter ses emails, sauter dans un métro… Des commodités aussi banales qu’improbables, rendues possibles par une armée d’ingénieurs et de techniciens qui veille au grain. C’est à cette catégorie qu’appartiennent Robert Eyben et Ben Hayen, Président et CEO de CE+T Group. Nominé par EY au titre d’entreprise de l’année 2024 et spécialisé en électronique de puissance, le groupe liégeois optimise et stabilise les solutions énergétiques industrielles depuis près d’un siècle et se positionne aujourd’hui comme un acteur clé de la transition. Un secteur en constante (r)évolution.

1934. Trois ans avant la fresque monumentale de Raoul Dufy qui popularise le terme de « Fée électricité » lors de l’Exposition universelle de Paris, l’entreprise CE+T voit le jour à Liège à l’initiative de Joachim Frenkiel, Professeur d’électricité et d’électronique à l’université. Un demi-siècle sépare alors la création d’une des premières spin-off du Royaume et l’ampoule électrique de Thomas Edison. Un autre monde. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la société est rebaptisée SA Confort Électrique et Téléphonique (CET) pour refléter les nouvelles avancées technologiques, dont la généralisation des téléphones et des téléviseurs à domicile, pour ensuite prendre le nom de Constructions Électroniques + Télécommunications (CE+T), pour ancrer son virage de leader sur le marché des convertisseurs et des onduleurs professionnels dans les 1980s. Un positionnement qui n’a plus changé depuis et qui marque les débuts de l’internationalisation du groupe, et la success story qui s’ensuit.

 

Haut potentiel

 

Référence dans les solutions d’optimisation énergétique, CE+T Group fournit aujourd’hui des produits et des solutions technologiques de pointe à destination des acteurs industriels dans les marchés de la conversion énergétique, de la santé, du transport en commun, des énergies vertes ou du recyclage des métaux. Des dispositifs sur mesure pour répondre à des besoins et applications énergétiques tels que les industries critiques, les sites éloignés et l’intégration des énergies renouvelables. Des métiers variés qui touchent un vaste panel de clients de par le monde, du gestionnaire de gazoducs à celui du métro d’une grande ville en passant par la sécurisation énergétique de serveurs pour une société télécom. Organisées sous la forme d’un conglomérat multinational d’entreprises, les différentes sociétés du groupe et leurs filiales sont alimentées depuis sept sites de production et autant de centres de R&D. Elles produisent et commercialisent leurs systèmes dans le monde entier, en Europe, en Asie, en Australie et en Amérique.

CE+T

Des missions historiques dopées par un contexte international favorable et une demande toujours plus grande en électrification, que ce soit pour enjeux de durabilité, d’autonomisation ou de réactivité, voire les trois à la fois. Des calculs d’efficacité et d’efficience au cœur des préoccupations industrielles contemporaines, reconnaît Ben Hayen, CEO du groupe : « Il y a clairement une volonté chez les acteurs industriels de sortir du fossile, ce qui crée une nouvelle demande en termes de production d’énergie, mais aussi de distribution et de mise à disposition en vue de garantir un accès sécurisé quand on en besoin. Autant d’éléments où CE+T apporte des dispositifs innovants, que ce soit dans l’optimisation des rendements ou dans les possibilités de stockage ». Et Robert Eyben, Président, de poursuivre : « Les solutions pour se passer du diesel existent en réalité depuis de nombreuses années, mais elles n’étaient jusqu’alors peu ou pas demandées. Désormais, c’est différent, il y a une vraie prise de conscience, tandis qu’on observe également l’arrivée de nouveaux secteurs qui se tournent vers l’électrification pour des raisons purement opérationnelles, les appareillages électriques étant bien plus réactifs que leur contreparties hydrauliques. C’est par exemple le cas du militaire pour lequel nous travaillons aujourd’hui sur des tourelles de char électriques de concert avec un acteur liégeois ».

Autant de changements qui propulsent le groupe au cœur des questions que tout le monde se pose aujourd’hui. Et si les deux hommes n’ont pas de boule de cristal, ils suivent celles-ci de près. Une nécessité pour rester pionnier dans leur métier. « Les deux défis majeurs sont actuellement de produire et de récupérer l’énergie produite de manière optimale, et de stocker cette énergie, explique Robert Eyben. Pour cela, il n’existe pas une foule de solutions. Il y a le stockage mécanique, à l’instar du barrage de Coo, les batteries, et le stockage hydrogène, qui présente à l’heure actuelle plusieurs inconvénients et des rendements peu intéressants. Dans les années à venir, je suis persuadé qu’on va voir se développer toute une série de nouvelles batteries différentes, chacune avec ses avantages et ses inconvénients, mais aussi autre chose, qu’on n’a pas aujourd’hui. Mais ça, ce n’est pas notre métier… » En attendant que d’autres trouvent la solution miracle, le groupe s’adapte, notamment en cherchant à optimiser la production/récupération partout où il le peut. Parfois même dans des endroits insoupçonnés. « Un ascenseur qui descend, c’est 2-3kW par étage, précise Ben Hayen. Dans un des projets sur lesquels nous travaillons aux États-Unis, on a réussi à capter 65% de cette énergie et à la  mettre dans une batterie, ce qui peut vraiment faire une différence ».

 

Power vs. Force

 

Fort de 400 collaborateurs, le groupe réalisait en 2023 un chiffre d’affaires de plus de 80 millions d’euros, avec l’ambition de dépasser les cent millions à l’horizon 2025. Un montant qui a doublé au cours des dernières années. Des indicateurs significatifs qui ne suffisent toutefois pas à traduire la puissance du groupe liégeois qui se positionne avant tout comme une force tranquille, aux antipodes des modèles médiatisés de croissance effrénée, peu crédibles dans le secteur des infrastructures, estiment Robert Eyben et Ben Hayen. Alignés, les deux hommes plaident pour un modèle de croissance organique, où innovation et persévérance sont les maîtres mots.

On fait des choix bien étudiés. On prend notre temps pour choisir les marchés. Puis on persiste et on adapte nos solutions aux différents pays où nous sommes actifs

Ben Hayen, CEO de CE+T Group
CE+T

Quand on veut aller trop vite, on ne va pas nécessairement bien. Il faut des ambitions, mais mesurées dans le temps. En Chine, en Inde, aux USA, on ne démarre jamais de zéro. Nous construisons notre présence internationale en collaborant avec des partenaires locaux que nous intégrons à notre capital, tout en restant focalisés sur l’innovation et l’adaptabilité de nos solutions. Une acquisition, ça prend six mois à se faire, mais il faut ensuite compter trois ans pour que celle-ci soit pleinement intégrée et opérationnelle

Robert Eyben, Président de CE+T Group

Une approche prudente qui ne détonne pas dans un groupe qui a la fiabilité chevillée au corps et qui témoigne de son ADN « PME ». Un mode opératoire revendiqué par les dirigeants, heureux d’afficher un taux d’acquisitions réussies de 100%, là où, « en M&A, on atteint habituellement un taux de succès de 25% ». Un style managérial qui ne doit pas pour autant être pris à la légère. Spécialisés et déterminés, Robert Eyben et Ben Hayen sont résolument tournés vers l’innovation, à l’image du groupe qu’ils dirigent. Une priorité que rappellent les nombreux prix décernés à CE+T, dont la victoire, il y a quelques années, du « Little Box Challenge » organisé par Google et The Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE). Une prouesse d’ingénierie récompensée par une cagnotte d’un million de dollars que les équipes ont choisi de répartir sur l’ensemble du personnel CE+T dans le monde.

 

Réseau interneuronal

 

Une consécration outre-Atlantique à laquelle s’ajoutent les nombreux contrats internationaux du groupe et qu’on n’imagine pas toujours lorsqu’on se rend rue du Charbonnage, en périphérie liégeoise, où s’active pourtant une équipe internationale composée de collaborateurs d’une douzaine de nationalités. Une ouverture au monde qui s’est d’abord imposée comme une nécessité pour le groupe, qui s’est initialement étendu à la Chine pour éviter de se faire dépasser, avant de devenir une marque de fabrique. Présent dans dix-sept pays, CE+T œuvre au plus proche de ses clients et s’adapte à leurs réalités. Dernière destination en date, l’Australie, où le groupe a ouvert une antenne locale en 2023. « Dans notre métier, le brevet ne suffit pas, avoue Robert Eyben, qui regrette le manque de concertation européenne en la matière. C’est presque un risque supplémentaire d’être copié, alors on doit se protéger autrement ». Et comme la meilleure défense est parfois l’attaque, le groupe mise activement sur la recherche et l’innovation, qu’il couple à une connaissance approfondie de ses marchés en vue d’offrir un service de niche haut de gamme. Une approche difficilement réplicable par les grands consortiums du secteur, focalisés sur les marges et les volumes.

CE+T

Une stratégie commerciale pilotée depuis le centre R&D liégeois, le plus important du groupe. Une illustration du génie régional en la matière ? Pas tant que cela, estime Robert Eyben : « La difficulté n’est pas tant de trouver les talents. Des personnes intelligentes, il y en a partout. Le vrai défi, c’est d’arriver à faire travailler tout le monde ensemble, car on ne développe pas de la même manière des talents en Inde, en Belgique ou en Chine. Le secret, c’est de pouvoir collectivement se tirer vers le haut, et force est de constater qu’en la matière, la diversité paye ». Même constat pour Ben Hayen, qui insiste également sur la nécessité de sortir de sa zone de confort en s’entourant de personnes qui apportent un regard différent. « Une entreprise qui n’investit pas là où elle le doit est nécessairement condamnée à moyen terme. Nous devons rester attentifs aux évolutions du monde. Nous travaillons avec les universités de la région, tout en offrant des possibilités de promotion que seul un groupe international peut offrir, c’est une vraie richesse ». Une raison parmi d’autres qui explique que le groupe est reconnu année après année parmi les « Best Managed Companies » récompensées par Deloitte. Une autre source de fierté pour ses dirigeants.

 

Beijing, Austin ou encore Mumbai… À l’heure de clôturer la rencontre, on ne résiste pas à interroger les deux hommes sur ce qu’ils pensent de l’écosystème liégeois dans lequel ils évoluent, et sur la région qui héberge leur QG. En bon Liégeois, Robert Eyben n’a pas sa langue dans sa poche lorsqu’il s’agit de décrire sa ville. Qui aime bien châtie bien ? « Il faut développer une vision du futur dans laquelle tout le monde a sa place et peut regarder vers l’avenir. L’évolution technologique fait partie d’un tout. L’éducation, l’enseignement, l’investissement social et industriel… tout cela doit être en accord avec l’espace où on se développe. On en est loin ! Il est grand temps de changer les choses ». Des propos que nuance quelque peu Ben Hayen, originaire du Limbourg : « J’ai toujours  aimé travailler ici. Les gens sont ouverts, sympathiques et travailleurs. Liège a beaucoup à offrir, en ce compris un réseau de PME innovantes, prêtes à grandir, mais si on souhaite attirer des groupes internationaux, il faut clairement améliorer les infrastructures ». Et si les deux hommes admettent avec regret qu’ils vont plus facilement à Maastricht qu’à Liège pour recevoir des clients internationaux, ils ne perdent pas espoir pour autant. D’ailleurs, ils l’ont promis, cette année comme les précédentes, ils n’y couperont pas : toute l’équipe se retrouvera sur le Marché de Noël de Liège pour partager un verre de l’amitié. Et peut-être fêter une nouvelle récompense bien méritée…

À propos de CE+T 

 

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