Bright Sight

15 novembre 2023

Visées justes

Tout ce qui brille n’est pas or, mais tout ce qui est or brille assurément. Installées dans des bureaux flambants neufs en plein cœur du Liège Science Park, EyeD Pharma et UniD Manufacturing affichent tous les signes extérieurs de la réussite. Mais le véritable trésor se trouve ailleurs. Entre excellence scientifique et management empathique, Mélanie Mestdagt, CEO, nous présente sa vision stratégique.

À lui seul, le lieu est révélateur. Là où les géants pharmaceutiques présentent des espaces aussi soignés qu’aseptisés, Mélanie Mestdagt a souhaité des bureaux conviviaux et chaleureux, avec de la couleur, tout en restant fidèle aux canons d’excellence du secteur. Il en ressort un espace de travail atypique aux airs de boutique hôtel signé par les architectes d’intérieur liégeois de Twodesigners. Ouverts, connectés et lumineux tout en répondant à des normes techniques et de sécurité élevées, les espaces mettent l’accent sur l’échange et les rencontres interpersonnelles, en ce compris entre les deux sociétés, qui occupent chacune une aile : EyeD Pharma pour la recherche et le développement, UniD pour la production et l’activité de CDMO.

Un agencement des lieux qui ne doit rien au hasard. Œuvres d’art, mur végétal et espaces de réunion informels, Mélanie a voulu un bâtiment à son image et à son style managérial : efficace, innovant et résolument empathique.

 

EyeD Pharma

J’ai besoin d’une ambiance de travail humaine. Être respectueux les uns envers les autres et bienveillant avec chacun, c’est la moindre des choses.

Une sensibilité qui découle des quatre valeurs cardinales identifiées par la société : bienveillance, esprit d’équipe, intégrité, efficience. Un style « proche et pro » qui permet à la scale-up de se positionner à l’échelle internationale, où elle se mesure à des acteurs de poids, tout en se démarquant de ces derniers, ne serait-ce que dans le recrutement des talents, une gageure dans le secteur.

 

Voir venir

 

Docteure en sciences biomédicales de l’ULiège, Mélanie Mestdagt intègre le département finance de Mithra après avoir défendu sa thèse au laboratoire de biologie des tumeurs et du développement. En charge de l’évaluation du financement des programmes de recherche en cours pour le spécialiste liégeois de la santé féminine, elle y bénéficie d’une position unique, au croisement de la R&D et de la finance, qui lui permet de valoriser son bagage scientifique de haut niveau tout en se familiarisant aux réalités de l’entreprise. Très rapidement, elle se prend au jeu et décide d’approfondir ses connaissances en gestion d’entreprise en suivant des programmes de spécialisation sur mesure. Un parcours hybride formateur, sur lequel pourra s’appuyer la future CEO.

Seul, le chercheur peut difficilement construire une entreprise florissante. Il faut pouvoir sortir du laboratoire et ouvrir son champ d’expertise ; s’intéresser à ce qui se passe autour de soi, à l’économie. La science sans finance, ça n’existe pas.

Et si celle-ci regrette encore aujourd’hui la faiblesse du bagage économique dans la formation des scientifiques, elle a habilement pu retourner la table, pour faire de son double écolage une compétence à part entière. « Je suis avant tout une scientifique, ce qui me permet d’aller au fond des choses, de challenger la science dans les propositions que je suis amenée à évaluer, en ma qualité de financier ».

 

Un double langage qui prend pleinement son envol en 2012, lorsque Mélanie fonde EyeD Pharma, une société pharmaceutique qui développe des micro-implants ophtalmologiques qui libèrent des principes actifs en continu, sans intervention ultérieure du patient et sur une durée allant de quelques jours, voire quelques heures, à plusieurs années. Un dispositif qui permet d’administrer la bonne dose, au bon endroit, tout en garantissant le suivi du traitement puisque le patient ne doit plus s’en soucier une fois l’implant mis en place. Une manière innovante de traiter différentes pathologies oculaires, notamment le glaucome. « EyeD Pharma, c’est un peu un hasard de rencontre. C’est l’histoire d’une bonne idée que l’on a pu adéquatement faire grandir. À la base, il y a l’identification d’un besoin médical non rencontré, mais cela va bien plus loin. Il faut être capable d’y associer un marché, une propriété intellectuelle et une faisabilité technique. Il faut rencontrer tout cela, puis être ouvert aux options qui se présentent. Prendre des risques tout en assurant ses arrières ».

 

Une approche prévoyante, qui explique en partie le succès d’EyeD Pharma. Aujourd’hui focalisée sur l’ophtalmologie, la société travaille déjà à la suite, tandis que ses produits au long cours suivent leur développement clinique. « Notre micro-implant pour le traitement du glaucome, notre produit le plus avancé, est actuellement en phase 1. Nous travaillons sur d’autres produits qui devraient arriver à maturité d’ici quatre ou cinq ans. C’est un processus très long, surtout pour un produit comme le nôtre, qui a une durée de vie active qui va de trois ans dans sa version la plus concentrée à neuf ans pour des doses administrées plus faibles. Alors, pour tenir le coup, c’est-à-dire garder les équipes motivées aussi bien que rassurer les investisseurs, nous sommes obligés de travailler avec un pipeline de délivrables plus courts ». Comme quand la société développe des traitements intermédiaires de l’œil, avec une durée de vie de six à neuf mois, voire 24 heures quand il s’agit de traiter l’œil sec. Ou encore quand elle développe des activités de CDMO ou de distribution. Une manière de garder le cap, de rentabiliser ses installations, mais aussi d’entretenir le contact avec de nombreux chirurgiens, qui sont aussi les premiers vecteurs de ses innovations. « Intégrer la production à un stade précoce peut sembler inhabituel, mais c’est une décision stratégique. Non seulement ça permet d’éviter de dupliquer les études cliniques, qui sont très onéreuses, mais ça nous permet dès le départ de développer une expertise et un savoir-faire internes ». Un pari sur l’humain, la principale ressource des deux sociétés.

 

Capital sympathie

 

Quand on l’interroge sur sa politique de gestion du personnel, Mélanie – que tout le monde appelle Méla en interne – semble presque hésiter. Un salaire compétitif, de la flexibilité dans l’organisation du travail, un environnement moderne… bien entendu, EyeD Pharma propose tout cela, mais pour elle, l’essentiel n’est pas là. Pour la CEO, il s’agit avant tout d’assurer un cadre de travail bienveillant, qui valorise l’esprit d’équipe. Un objectif tout sauf simple, quand on grandit à toute allure. Un croissance que la dirigeante gère pourtant de manière organique : « Pour l’essentiel, on s’en tient à entretenir des valeurs et on sélectionne là-dessus à l’entrée ». Une formule qui plait, comme en témoigne le turnover particulièrement bas au sein du personnel, même si Mélanie n’en a jamais fait un objectif : « C’est symptomatique, mais ce n’est pas un but en soi. Jusqu’à un certain point, c’est même sain d’avoir du mouvement au sein des équipes. On ne peut pas faire tout avec tout le monde ».

EyeD Pharma

Il faut dire qu’en dix ans, les choses ont bien changé, la société étant passée de deux employés en 2012 à 103 aujourd’hui. Des employés liégeois, recrutés pour la plupart via le bouche-à-oreille, mais aussi des collaborateurs en provenance de Maastricht, de Munich ou de Montpellier. « Les gens se plaisent et en parlent autour d’eux, à des gens avec qui ils souhaiteraient travailler par exemple, et cela crée des émules. Pour certains postes, comme les experts de haut niveau ou les profils de technicien, ça reste malgré tout difficile de recruter ».

 

Longtemps, la société a pu bénéficier de son ancrage liégeois et de la possibilité de recruter plus facilement que dans d’autres zones géographiques hautement sollicitées. Une situation bel et bien révolue suite au développement rapide du secteur des sciences de la vie dans la région.

Par le passé, être à Liège présentait un certain avantage, mais la demande est aujourd’hui telle qu’il faut être créatif.

Et tant qu’à se montrer créative, la maison ne recule devant aucun sacrifice. Service de repassage à disposition des employés, société de nettoyage de véhicule à la demande ou encore badge à gougouilles, marché des artisans à Noël et présence d’un foodtruck une fois par mois… la société a plus qu’intégré les codes de la convivialité. Des petites attentions qui sont avant tout le reflet d’un état d’esprit général : « Les gens sont demandeurs d’un projet et de valeurs ».

 

Vision périphérique

 

Une attention pour autrui qui va bien au-delà du personnel d’EyeD Pharma et d’UniD Manufacturing. Parallèlement à ses activités, la société est impliquée dans plusieurs projets humanitaires qui visent à mettre à disposition sa technologie à des publics fragilisés. « C’est une volonté que nous avons depuis les débuts : ne pas faire uniquement de l’innovant pour ceux qui peuvent se le permettre, mais offrir un accès le plus large possible ».

 

Soutien de l’ONG Ophtalmological Worldwide, une association fondée par des médecins belges qui opère dans le monde entier, EyeD Pharma lui fournit du matériel dans le cadre de ses missions, notamment au Congo. Des pays où les micro-implants liégeois pourraient bien faire la différence. « La solution s’y prête particulièrement, car elle simplifie radicalement les difficultés liées à l’administration. Une seule intervention permet un traitement du glaucome sur le long terme ». Un aspect de son activité que la pépite biotech souhaiterait encore développer à l’avenir, via des programmes structurés de Charity Financing et en s’associant à des fondations internationales de grande envergure. « C’est l’opportunité pour nous d’ouvrir notre technologie à ceux qui en ont besoin et dans de bonnes conditions, en leur offrant un accès à prix coûtant. Inversement, c’est aussi une manière alternative de soutenir notre programme de recherche ».

 

Une visée humanitaire qui se double, chez EyeD Pharma et UniD Manufacturing, d’une profonde prise de conscience environnementale, la société visant l’autonomie sur le plan énergétique, en partie grâce à un programme de renforcement substantiel de sa capacité photovoltaïque, avec le soutien de Noshaq. Une priorité sociétale, mais aussi économique pour l’entreprise, dont la facture énergétique a triplé depuis le début de la crise et atteint aujourd’hui plusieurs centaines de milliers d’euros annuellement. C’est que le secteur des sciences de la vie n’est pas épargné par les considérations d’ordre énergétique. « Les coûts liés à l’approvisionnement énergétique ne sont certes pas dominants chez nous, mais c’est loin d’être marginal. Il suffit de penser à nos filtres à air, qui fonctionnent en continu ». D’où aussi une réflexion de fond sur la question.

EyeD Pharma

Dans la mesure du possible, nous favorisons au maximum les énergies renouvelables. En parallèle, on essaie de réduire l’intensité de notre consommation partout où c’est possible. C’est une nouvelle réalité à prendre en compte. En cinq ans, les choses, on énormément évolué, et sont en passe de devenir un véritable facteur de compétitivité.

Autant de défis que la CEO affronte avec détermination, confiante dans son équipe, mais aussi dans ses partenaires. Une des clés pour comprendre le développement des Life Sciences dans la région.  « Nous disposons à Liège d’un écosystème particulièrement favorable et d’un réseau d’experts de premier plan, que ce soit au niveau de l’université ou des hôpitaux. C’est également le cas des investisseurs ». Autant de facteurs à l’origine d’une véritable émulation vis-à-vis de laquelle Mélanie préfère garder la tête froide, les yeux rivés vers l’avenir : « Notre priorité reste de délivrer ce qui est prévu en fonction de nos objectifs, en respectant nos valeurs et en assurant la stabilisation des équipes. Et en continuant à assurer le financement de nos activités. Et si on n’est pas en mesure de délivrer, il faut pouvoir proposer des plans B, C ou D ».

 

À propos d’EyeD Pharma

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À propos d’UniD Manufacturing

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