Si, depuis des années, vous entendez parler de la boucle du Hainaut ou que vous vous inquiétez de problèmes de décrochage des installations photovoltaïques dans votre région, vous n’êtes pas extérieur aux problèmes de saturation des réseaux électriques, chaque jour plus sollicités. Massification des véhicules électriques ou généralisation des pompes à chaleur dans les habitations, la demande en électricité ne cesse de croitre, tandis qu’au niveau de l’offre, le virage vers toujours plus de renouvelables accroit la pression sur des réseaux pensés dans la deuxième moitié du XXe siècle, et prévus pour accueillir de grandes unités de production centralisées.
Qui peut le plus peut le moins
Une double contrainte à laquelle sont quotidiennement confrontés les gestionnaires de réseaux, pris entre le marteau et l’enclume et qui doivent en sus composer avec des populations souvent récalcitrantes au déploiement de nouvelles lignes à haute tension dans leur environnement direct. Un dilemme que connait bien Frédéric Vassort, CEO d’Ampacimon et ingénieur électricien de formation, fort d’une carrière internationale dans d’importants groupes énergétiques en Europe et en Asie (Danaher, Tractebel, Schlumberger). « On sait que pour réduire les émissions de CO2, on doit remplacer les énergies fossiles par de l’électricité propre, or elle est généralement produite à des endroits différents des grosses centrales, et de manière beaucoup plus dispersée, ce qui modifie la topologie des flux électriques et génère un important phénomène de congestion ».
S’il confirme la nécessité de développer de nouvelles infrastructures dans le futur, il plaide aussi pour une meilleure utilisation des réseaux existants. Une approche réaliste et pragmatique au cœur des innovations d’Ampacimon, dont il a repris la direction voilà plus de dix ans.
Grâce à des capteurs connectés installés sur les lignes à haute et moyenne tension, la société installée à Grâce-Hollogne offre aux gestionnaires de réseaux une manière sure et sécurisée de collecter des données sur l’état de leurs infrastructures. Des informations précieuses qui, une fois traitées par les solutions software d’Ampacimon, fournissent un instantané de l’état du réseau, en vue de maximiser son utilisation, mais aussi de superviser son état, de manière à détecter et si possible anticiper les pannes potentielles, et agir en amont. Une solution de haut vol, qui mêle physique traditionnelle, IoT et intelligence artificielle. Depuis maintenant près de trois ans, la société a également racheté un homologue espagnol spécialisé dans l’analyse sur les câbles souterrains et la détection des défaillances.
Organisation réticulaire
Sur les hauteurs de Liège, à Grâce-Hollogne, on serait vite tenté de passer outre les bureaux d’Ampacimon, somme toute très communs dans un zoning industriel. On aurait par contre bien tort de ne pas s’y arrêter, car si il y flotte un joyeux parfum de bienveillance propre aux PME, la société est bel et bien un nœud d’innovation et d’interconnectivité. Passée de 5 à 70 employés en un peu plus de dix ans, Ampacimon a largement quitté son costume de spin-off pour celui d’entreprise bien établie. Présente directement en Belgique, à Madrid et à Atlanta, et indirectement en Asie et en Amérique latine via des partenaires, elle est aujourd’hui active dans le monde entier et affiche une croissance robuste, entre 50% et 100% du chiffre d’affaires par an, soit plus de 10M€ prévus en 2023.
Le fruit du travail de Frédéric Vassort, qui a pris les rênes de la société en 2013, quand celle-ci en était encore à ses tous débuts . Autant dire que de l’eau a coulé sous les ponts depuis les recherches pionnières des Professeurs Lilien et Destiné, deux sommités liégeoises à l’origine des innovations développées par Ampacimon. « Nous ne sommes plus une start-up, mais une scale-up avec une croissance rapide, de l’ordre de 80% cette année. On garde l’esprit d’une PME, son organisation flexible et horizontale, mais nous proposons des produits prouvés et investissons massivement en R&D, environ 25 à 30% de notre chiffre d’affaires pour assurer notre croissance future ».
Une belle santé qui s’explique par l’énergie déployée par tout un écosystème. Outre les recherches de pointe de l’ULiège, Ampacimon a eu la chance de pouvoir travailler dès le départ avec Elia (le gestionnaire de réseau haute tension en Belgique), intéressé dans le développement de cette technologie et qui a constitué une rampe de lancement idéale pour la PME, avec qui elle a partagé son attrait international et des capacités financières non négligeables. Sans oublier le rôle stratégique des investisseurs au long cours, indispensables.
« Pour qu’une innovation se diffuse, il faut que l’ensemble des éléments soient alignés, depuis le pouvoir politique (le régulateur) jusqu’à l’utilisateur final dans la salle de contrôle ou l’installateur sur les lignes. Il faut bien faire son métier, mais il faut aussi que le client soit prêt, qu’il soit formé, que les incitants financiers soient présents. Aujourd’hui, le momentum est là, mais ça a mis longtemps. Il faut de la patience, et des investisseurs avec des objectifs à long terme, comme Noshaq, qui a une vision industrielle, plus encore que financière ».
Génie en boite
Un alignement des planètes qui ne doit rien au hasard. « À Liège, on a énormément de capacités, de savoir-faire, de ressources. Le seul problème, c’est qu’on est encore trop centré sur notre propre réalité. Le jour où les Liégeois sortiront de Liège, ils auront véritablement tout compris. Sur un marché mondial, on se positionne comme un acteur mondial, pas en réfléchissant à pourquoi Liège est, ou n’est pas, attractive ». Un positionnement international inscrit dans l’ADN même d’Ampacimon, depuis les actionnaires jusqu’au personnel : « Notre CTO est Roumain et vit à Eindhoven. Nous avons des collaborateurs basés en Angleterre, en France, en Allemagne et en Espagne, mais aussi en Amérique du Nord ou en Inde. Et tout se passe à merveille, grâce au télétravail. On pense mondialement, même si notre cœur bat à Liège ». Une manière aussi d’aller recruter les talents là où ils se trouvent et de s’assurer que chacun est à sa place.
Historiquement, la société s’est positionnée sur le marché hardware, soit des capteurs de mesure connectés destinés aux lignes à haute et moyenne tension, où elle continue de développer des modèles plus performants, plus petits et à faible consommation. Mais désormais, l’enjeu, assure Frédéric Vassort, consiste à étoffer la suite logicielle qui valorise les données récoltées par les capteurs. « La moitié de notre chiffre d’affaires provient des solutions software et ça devrait continuer à se développer, notamment avec l’intelligence artificielle, qui permet de travailler sur des modèles prévisionnels à plusieurs jours. Nous sommes également très attentifs aux questions de cybersécurité et de protection des données. En tant que fournisseur d’informations, nous nous devons être irréprochables ».
Des implémentations dans l’air du temps, qui n’empêchent pas Frédéric Vassort de garder les pieds sur terre. Proche de son équipe, il souhaite entretenir l’énergie des premiers jours, et conserver l’organisation horizontale qu’il apprécie tant. Le hasard veut d’ailleurs qu’on le rencontre lors d’un rassemblement des différentes équipes internationales, réunies à Liège toutes les six semaines. « On a la chance d’avoir une belle histoire à raconter, de contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique. C’est quelque chose qui fait sens pour nos collaborateurs et c’est aussi une manière d’attirer à nous des talents. Et généralement, une fois que les gens s’installent à Liège, ils s’y plaisent et ils y restent, là où dans la Silicon Valley, on a coutume de dire que pour garder un employé, il faut en recruter quatre ». Le résultat aussi du caractère électrisant du CEO d’Ampacimon.
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