Iron Man

14 janvier 2025

Steel loving you

S’il n’a pas de costume à la Tony Stark, Pierre-Philippe Janssen – dit Pépé – a assurément du sang-froid à revendre. C’est que des nerfs d’acier, il en faut, pour affronter les vicissitudes du secteur sidérurgique en Europe. Élevé dans le giron d’Arcelor par un père ingénieur à qui il a racheté la société, l’homme n’a pourtant rien d’un rescapé : installée au cœur du chaudron liégeois, sa société Advanced Coating ne connait pas la crise et multiplie aujourd’hui les contrats de sous-traitance dans le monde. Torches plasma et projection supersonique, rencontre à chaud avec un spécialiste du froid qui montre que Liège, aujourd’hui encore, garde une expertise inoxydable en la matière.

Lorsqu’on parle sidérurgie, difficile de ne pas verser dans une forme de romantisme industriel. La force des éléments, le poids du passé et l’amour d’un métier exigeant s’entremêlent dans une lutte des classes où s’affrontent métallos, capitaines d’industrie et autres magnats de l’acier. Une dialectique rouillée qui a longtemps passé sous silence la galaxie de sous-traitants qui gravitent autour des grands groupes mondiaux – ArcelorMittal, Tata Steel, ThyssenKrupp et consorts – et s’activent tout au long de la chaine de valeur. C’est à celle-ci qu’appartient Advanced Coating, spécialisée dans la conception et la réalisation de revêtements par projection plasma et supersonique de métaux, alliages, céramiques et carbures sur pièces mécaniques. « Un métier de niche dans un métier de  niche » confie Pierre-Philippe Janssen dont le cœur de l’activité, le revêtement technique de pièces industrielles, vise à protéger et prolonger la durée de vie des équipements : « Plutôt que d’user les pièces, on use le revêtement que l’on peut renouveler dans le temps ».

 

Une spécialisation qui remonte à 1985, lorsque le père Janssen, ingénieur chez Cockerill-Sambre, est chargé par le géant de l’acier de développer des solutions anti-usure pour les productions industrielles du groupe. En 1995,  lors des phases de restructuration, il rachète la division et les machines. Une manière de pérenniser l’activité à Liège plutôt que de la délocaliser en Pologne, comme il est alors encouragé à le faire.

 

Acier ressort

 

Un histoire de gros capitaux ? S’il a depuis racheté l’entreprise dont il est l’unique actionnaire avec Noshaq, Pierre-Philippe aime à se décrire comme le « garage du coin » pour industriels et très (très) grosses cylindrées : « Notre activité est concentrée autour de deux secteurs d’activité : la sidérurgie et l’aviation. Mais en réalité, dès qu’un process implique des frottements où un échange de chaleur, nous sommes susceptibles d’intervenir, ce qui va de l’éolienne à la centrale nucléaire en passant par des équipements de brasserie où des disques de freins de TGV. Ce sont pour l’essentiel de gros chantiers. Ce qui nous distingue, c’est que nous sommes une petite entreprise à taille humaine, une PME d’une quinzaine de personnes, ce qui nous autorise de la latitude et de la flexibilité ». Un peu de souplesse dans un secteur de l’industrie lourde qui en manque cruellement. Quand on parle de ligne de production, on parle aussi ajustements, imprévus et improvisation. Un envers du décor souvent méconnu qui fait les affaires de Pierre-Philippe Janssen. Il nous partage avec le sourire qu’il n’est pas rare qu’on lui livre des pièces en taxi qui, une fois traitées, repartent illico à l’envoyeur. « En 30 minutes à peine, on peut fournir une réponse, et définir une solution le cas échéant ». Une certaine idée du just-in-time qui vient colorer le quotidien de la société liégeoise, dont le chiffre d’affaires – 4 millions d’euros l’année dernière – est pour l’essentiel assuré par des contrats-cadres avec des géants de l’acier et de l’aéronautique.

Advanced Coating

Sur un marché qui compte peu d’acteurs, soit cinq ou six en Europe, Advanced Coating joue donc la carte du service, de la proximité, de la qualité et de l’agilité. Une stratégie marketing qui est avant tout une philosophie de vie, comme l’explique celui qui, diplômé de HEC, a commencé dans l’atelier comme ouvrier, les mains dans le cambouis, au propre comme au figuré, avant de gravir les échelons. Un parcours from the ground, qui fait la fierté du jeune homme qui connait ses machines aussi bien que ses hommes, et se targue d’être présent sur toutes les lignes sidérurgiques d’Europe centrale.

Notre force, c’est notre savoir-faire. Nous sommes en permanence sur site, tout le temps présents. On se tutoie, il n’y a pas de filtre. Moi, les acheteurs, je les vois très peu, je vais plutôt voir les responsables de lignes, les contremaîtres. On ne discute jamais prix. C’est une question qu’on n’aborde pas. Mettre nos bottines, c’est ça notre vraie valeur ajoutée

Pierre-Philippe Janssen, CEO d’Advanced Coating

Une connaissance du terrain qui passe aussi par le laboratoire, des partenariats stratégiques, la participation active à des conventions sectorielles et une présence forte dans les foires et salons du secteur où Advanced Coating est un nom aujourd’hui bien connu. « On ne reste pas en attente de demandes spécifiques, on se met continuellement à jour pour suivre un marché qui souhaite toujours produire plus de tôles, plus vite et plus dures. On fait aussi partie de groupes de recherche avec le CRM, la société SIRIS et on est en contact régulier avec l’université. Le gros sujet aujourd’hui par exemple, c’est le remplacement du chrome 6 ».

 

Entre le marteau et l’enclume

 

Une attitude proactive qui permet à la PME liégeoise d’avancer contre vents et marées, malgré des projections macroéconomiques pas toujours au beau fixe. Coûts de l’énergie, sanctions internationales, barrières tarifaires ou crise de l’automobile… l’acier européen aurait-il encore et toujours du plomb dans l’aile ? Pas suffisamment en tout cas pour faire trembler Pierre-Philippe Janssen, qui garde la tête froide : « Il y a une réalité, c’est que produire un rouleau en Chine plutôt que chez nous, ça reste deux fois moins cher, transport compris et à qualité équivalente, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place chez nous pour une activité sidérurgique. La Belgique garde d’ailleurs un rôle stratégique, notamment avec un site comme Arcelor à Gand, qui est une référence centrale en Europe. Au quotidien, nous sommes tributaires de nos clients, parfois avec des hauts et des bas, mais je constate qu’année après année, la proportion qu’occupe la sidérurgie dans notre chiffre d’affaires reste constante, aux alentours de 60% ».

Advanced Coating

Pour le Liégeois, la difficulté est ailleurs et consiste principalement à trouver des personnes qualifiées, prêtes à se relever les manches dans un secteur où le travail est souvent âpre. Alors, plutôt que d’attendre que les choses viennent à lui, Pierre-Philippe Janssen préfère prendre les commandes, déterminé : «  Il faut aller là où le travail se trouve ». En 2005, la société avait raté le coche pour participer à l’installation d’une usine en Chine. Cette occasion manquée que l’entrepreneur s’est promis de ne pas revivre explique son intérêt pour le marché indien. « Aujourd’hui, on sait que c’est là que les choses se passent. On est sollicité pour y ouvrir et gérer une installation de traitement destinée au marché indien. On y réfléchit activement, car il faut y aller. On doit encore définir comment, mais d’une manière ou d’une autre, nous y serons présents en 2025, sans doute avec un partenaire de la région ».

 

Fer de lance

 

Une ouverture au monde aussi nécessaire qu’évidente quand, comme Pierre-Philippe Janssen, on travaille avec des groupes internationaux. Une échelle de grandeur qui ne change pourtant pas les fondamentaux. Pour l’entrepreneur liégeois, tout est question de qualité, de prix et de délais, à chacun de définir son mix stratégique sur cette base. Des paramètres qui sont les mêmes à Liège, à Shanghai ou à Mumbai. « En Wallonie, c’est faux de dire qu’on n’est pas ouvert à l’international. D’ailleurs, quand on y va, on y va, mais on est souvent un peu en retard, or le monde n’attend pas. Si on ne s’y intéresse pas, personne ne va venir vous taper sur l’épaule pour vous dire ce qu’il faut faire. Il faut rester des pionniers, ou s’adosser à des locomotives qui peuvent nous ouvrir la voie ».

Advanced Coating

Pour battre le fer tant qu’il est chaud, Pierre-Philippe n’hésite pas à colorer ses échanges professionnels de son ardeur liégeoise, fier de porter à l’étranger les couleurs de la Principauté. Au fil du temps, de nombreux clients sont d’ailleurs devenus des amis, avec lesquels il joue volontiers les ambassadeurs, en les invitant à Liège pour un séjour ou, pourquoi pas, sur le marché de Noël.

 

À propos d’Advanced Coating

 

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