Soft Touch

28 mai 2025

Joint Venture

Pochette de costume rose saumon d’un côté, imposantes lunettes carrées de l’autre, Lucas Decuypere et le Dr. Jorg Schelfhout sont les moteurs derrière la biotech Allegro, implantée au LégiaPark. Un style unique pour une société qui l’est tout autant, à commencer par ses ambitions : soigner 650 millions de patients atteints d’arthrose via le traitement de ses causes sous-jacentes plutôt que de se limiter à en mitiger les symptômes. Une révolution biomécanique pour laquelle l’équipe mise sur une nanotechnologie innovante qui nous invite à repenser le corps humain comme une machine tout en empruntant des chemins de traverse faits de sérendipité et de transhumanisme.

Diplômé en droit et en business de la KUL, Lucas Decuypere est un multi-entrepreneur polyglotte qui compte déjà de beaux succès à son actif dans le secteur de la tech. Avenant et to the point, c’est via une de ses sociétés spécialisée dans l’expérience client qu’il dit être tombé sous le charme des Life Sciences. « Un secteur magnifique où l’on a un impact réel sur les gens et sur le monde ; où on peut faire une vraie différence ». Une révélation qui devient rapidement une obsession et qui pousse le trentenaire à se réorienter pour s’y investir pleinement.

Un choix qui s’impose à lui presque naturellement, car c’est au même moment qu’il fait la rencontre de Jorg Schelfhout par l’intermédiaire d’un ami commun. Docteur en chimie de l’Université de Gand, celui-ci cherche alors à se réorienter après une première expérience consacrée au développement de polymères et de matériaux régénératifs dans l’industrie. Entre les deux hommes, la magie opère et ils décident de s’associer avec la conviction de pouvoir faire une différence, mais sans trop encore savoir comment. « Nous avons eu beaucoup de chance de nous rencontrer, une constante qui traverse l’histoire d’Allegro et qui est presque devenue notre fil rouge » se réjouit Lucas Decuypere.

Lucas decuypere

Qui cherche trouve

 

Et si l’adage veut que l’on trouve plus de chercheurs qui cherchent que l’inverse, il semble bien que le jeune entrepreneur ait pour sa part rencontré la perle rare. Alors en plein COVID, Lucas et Jorg s’installent dans un bureau à Gand, « un petit espace sans même une fenêtre » se rappelle Lucas. Et tandis que celui-ci entame des études de marché, Jorg se plonge corps et âme dans ses recherches. Une longue période s’ouvre alors pour les deux hommes, jusqu’à ce que ceux-ci arrivent à un moment eurêka. « Jorg est un génie, j’étais convaincu qu’il allait y arriver, ça n’en reste pas moins impressionnant. Pendant des mois, je l’ai vu travailler avec seulement une pile de documents, une calculette et un bloc-notes, à calculer et recalculer des formules, jusqu’à ce qu’un beau jour, il pose son stylo, se tourne vers moi et me dise : J’ai trouvé, on peut se lancer dans la fabrication de notre produit” ».

Lucas Decuypere

Pour les deux associés, il est temps de changer de décor. Allegro quitte Gand pour Anvers et installe ses bureaux au BlueChem, un nouvel incubateur dédié aux start-ups de la chimie. De là, l’équipe planche sur le développement d’une première version de son produit dédié au traitement de l’arthrose, un marché énorme qui compte jusqu’à 650 millions de personnes et où les recherches de Jorg trouvent un champ d’application inédit. Pour les deux hommes, la conviction intime est que, plutôt que de se focaliser sur le l’atténuation des symptômes de l’arthrose, il faut repenser l’ensemble du processus de traitement.

Nous arrivons avec une approche radicalement différente. À ce jour, les traitements disponibles tels que les corticostéroïdes se concentrent sur la diminution de l’inflammation que cause l’arthrose, avec une efficacité qui tend à diminuer avec le temps tandis que les produits de viscosupplémentation sont peu efficaces. Plutôt que d’aborder le problème sous l’angle biologique, nous l’abordons sous l’angle mécanique.

Lucas Decuypere, CEO d'Allegro

Mécanique des fluides

 

Pour Allegro, il faut comprendre que les fluides au sein de nos articulations fonctionnent comme des amortisseurs. En effet, ceux-ci contiennent des substances qui apportent de l’élasticité et absorbent les chocs, ce qui leur permet de protéger l’articulation lorsqu’une pression est exercée. Des propriétés qui perdent en efficacité avec le temps, provoquant dans la foulée des problèmes au niveau des nerfs et du cartilage, ce qui provoque en retour de l’inflammation, et donc de la douleur.

Une cascade dégénérative qui peut être retournée en travaillant sur la capacité d’absorption des articulations. « Notre approche est révolutionnaire en ce sens qu’elle apporte une solution biomécanique au traitement de l’arthrose. Nous avons développé un hydrogel élastique composé de nanoparticules qui fonctionnent comme des micro-balles de tennis qu’on injecte directement dans les articulations. Au niveau du genou, c’est un peu comme si on fournissait des Air Max à celui-ci ».

Sur papier, le traitement développé par Allegro s’impose comme une évidence. En pratique, c’est un game changer potentiel pour des centaines de millions de personnes de par le monde, sans compter des applications inattendues. « Notre mission initiale consiste à répondre à des besoins cliniques répandus et actuellement sans traitement avec des technologies extrêmement innovantes at approuvées, explique Lucas. Mais plus on avance, plus on réalise qu’on a un rôle à jouer sur les performances du corps humain dans des conditions extrêmes comme le sport, voire les voyages dans l’espace, qui soumettent le corps humain à des situations jamais vues.

Nos produits s’inscrivent dans une logique d’amélioration et d’augmentation du corps humain par la technologie. En assurant le bon fonctionnement des articulations dans le temps, on augmente sensiblement l’efficacité de parties du corps humain qui ne sont pas prévues pour fonctionner plus de cent ans, tout en garantissant in fine la qualité de vie

Lucas Decuypere

À pas de géant

 

Si Lucas Decuypere aime s’en remettre à la destinée pour expliquer sa bonne fortune scientifique, il n’en est pourtant rien sur le plan managérial, où son équipe travaille d’arrache-pied. « Nous faisons avec une équipe de dix, le travail qu’on est en droit d’attendre d’une équipe de trente. Nous sommes une petite team, avec des fonds limités, mais nous avançons à pas de géant ».

Une efficacité à toute épreuve que l’entrepreneur impute à sa méthode de travail, héritée de son passé dans la tech « Nous sommes extrêmement stricts sur le plan budgétaire, on réfléchit à chaque dépense en vue de maximiser notre effet de levier et nous sommes aussi extrêmement agiles. Nous challengeons systématiquement notre réalité. Si quelque chose prend du temps, on se pose la question de savoir pourquoi, et on réfléchit au fait de savoir si on ne peut faire autrement », explique Lucas. Une mentalité qui va droit au but à laquelle s’ajoute la capacité de l’équipe à se saisir d’un sentiment d’urgence omniprésent : « Nous sommes régulièrement contactés par des personnes qui souffrent d’arthrose et qui parfois ne peuvent même plus marcher. Ils nous font savoir qu’ils ont entendu parler de notre traitement, et souhaitent se porter volontaires pour le tester. C’est un facteur puissant de motivation pour toute l’équipe ».

Lucas Decuypere

Si elle a pour un profane des airs de Flubber, la fameuse pâte rebondissante du Pr Brainard joué par Robin Williams dans le film éponyme, la solution d’Allegro est tout sauf de la science-fiction. Actuellement testée avec succès sur des animaux, elle pourrait d’ailleurs être commercialisée plus vite qu’on ne le pense. Un effet secondaire bienvenu de la vision « outside the box » défendue par l’équipe : « Bien que 100% thérapeutique, notre mode d’action premier est mécanique, ce qui a pour conséquence que nous sommes considérés comme un appareil, avec un “go to market” très différent de celui d’un médicament traditionnel. Notre but  consiste en ce moment  à démontrer que notre solution est non seulement sure et efficace, mais aussi qu’il s’agit du meilleur produit existant sur le marché, avec des effets qui durent dans le temps ».

Si tout se passe comme prévu, Allegro envisage une commercialisation de sa solution fin 2027, début 2028, sur les marchés européens et américains. En attendant, la société prépare à cette fin une Serie A qui devrait débuter plus tard dans l’année.

 

Lucky Luik

 

Poussée par de premiers résultats encourageants, Allegro a aujourd’hui pris la décision de poursuivre sa croissance en région liégeoise, au LégiaPark, où la société fût une des premières à s’installer. « Nous étions à l’étroit à Anvers et le LégiaPark venait d’ouvrir. C’était une belle opportunité et une bonne décision. Nous sommes très heureux d’être ici. De plus, l’écosystème liégeois bénéficie d’une grande expertise dans notre domaine de compétence, en particulier les recherches sur les polymères, ce qui nous a permis de trouver des collègues très compétents ».

Un écrin à la hauteur des ambitions de la biotech et dont le choix s’inscrit dans la droite ligne des bonnes relations que celle-ci entretient avec Noshaq, qui a rejoint l’aventure comme investisseur. « Noshaq, c’est vraiment un partenaire de premier plan pour nous. Le groupe connait notre secteur, les sociétés actives dans les polymères, et s’appuie sur son expérience en Life Sciences pour aller au contact de projets innovants tout en osant prendre des risques. C’est un vrai atout pour une société audacieuse comme la nôtre ». Et tandis qu’ils étaient trois à quitter Anvers pour Liège au moment de déménager au LégiaPark, la biotech compte aujourd’hui dix employés auxquels s’ajoutent deux stagiaires. «  On ne recherche pas nos partenaires sur une base géographique, mais si les talents sont là, c’est encore mieux. Et on en trouve ».

Lucas Decuypere Jorg Schelfout

Une des bonnes surprises que l’écosystème liégeois a réservées à l’équipe, qui n’hésite d’ailleurs pas à pousser sa chance et à se plonger au cœur de la culture principautaire quand il s’agit de mixer business with pleasure. « J’ai appris à connaitre la ville que je ne connaissais pas bien et je dois dire que je suis positivement surpris. Les Liégeois ont une certaine joie de vivre et savent comment profiter des bonnes choses. La nourriture est toujours excellente, de même que les restos. Mais plus que ça, on sent une vraie volonté chez les jeunes talents de se battre pour le redressement de leur région et faire en sorte que Liège redevienne un hub international. Aujourd’hui, les éléments sont là, il faut transformer l’essai ».

Si le travail c’est la santé, les sciences de la santé appellent pour leur part le travail bien fait. Une philosophie que l’on accole volontiers au LégiaPark, où s’activent quotidiennement plusieurs centaines de professionnels des Life Sciences. Une ruche qui a des airs de havre de paix, tandis qu’on profite du beau soleil de mai pour immortaliser Lucas et Jorg dans le patio intérieur.

Mens Sana In Corporate Sano.

 

À propos d’Allegro

 

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