Dans le petit monde de la tech wallonne, on a parfois tendance à se focaliser sur le mastodonte qu’est devenu Odoo et à passer sous silence le reste d’un secteur qui, patiemment, redéfinit les codes de l’économie wallonne. Et ouvre la voie à un Eldorado digital sous nos latitudes.
À tout seigneur, tout honneur, la voie ouverte par Fabien Pinckaers est à bien des égards unique en son genre. Mais à ses côtés, on retrouve depuis des dizaines d’années des acteurs qui ont su se positionner durablement à l’international, chacun se rendant indispensable sur son segment de marché. C’est à cette catégorie qu’appartient NSI IT Software & Services.
Choisir ses batailles
Établie à Awans, aux portes de Liège, la société accompagne depuis le milieu des années 1990 les entreprises et les institutions publiques dans leur transformation numérique. Des solutions sur mesure qui vont du conseil en informatique et à la gestion d’installations au développement de logiciels en passant par l’intégration de solutions IT ou encore des services de cloud, d’ERP, de CRM et de cybersécurité. Sans oublier les avancées récentes de l’IA générative qui rendent les services de l’entreprise encore plus indispensables.
Des innovations spectaculaires qu’il convient de replacer dans le temps long, se souvient Manuel Pallage, licencié en Sciences informatiques de l’Université de Liège en 1991 : « Ce à quoi on assiste, c’est l’aboutissement d’un cheminement de quarante années de développement continu de la tech. L’IA d’aujourd’hui combine toutes les techniques mises au point à ce jour avec deux éléments nouveaux : une puissance de calcul phénoménale et des investissements massifs. Des moyens sans précédent qui changent la donne ».
Une évolution à marche forcée plus qu’une révolution donc, faite d’étapes incrémentales qui sont autant de verrous stratégiques dont doivent se saisir les sociétés IT souhaitant s’imposer. « C’est la raison pour laquelle nous investissons énormément dans la formation, qui représente chaque année des milliers de jours-hommes. Nous avons des équipes qui font de la veille sélective en vue de se concentrer sur un nombre limité d’avancées qui ont un large taux d’acceptation auprès de nos clients cibles. On suit les techno, et on choisit celles qui ont du sens ».
Un subtil équilibre entre R&D et études de marché. « Aujourd’hui, nos clients ont par exemple massivement adopté l’intégration de la cartographie dans des systèmes d’information, ce qui constitue une aide à la décision. En revanche, si on s’était largement développé sur la blockchain, on aurait eu du mal à rentabiliser nos investissements, car il n’y a aucun projet d’ampleur en la matière à Bruxelles où en Wallonie ». Une des raisons aussi qui explique la formation de 35 consultants dédiés à la suite Odoo, en Belgique, en France, au Canada et au Luxembourg « car la technologie est mature et le positionnement marché est clair ».
En matière d’IA, la société n’a pas attendu l’arrivée de la dernière version de Chat-GPT, loin de là, ce qu’il lui donne une certaine avance en la matière, même si la technologie reste encore un pari sur l’avenir, faute de gros players chez nous. « La marge de progression est phénoménale, mais on en est encore au stade de l’évangélisation. On investit beaucoup, mais il manque encore des projets d’IA métier, avec une vraie valeur ajoutée et des gains de rentabilité et de profitabilité entrainés par l’utilisation de données propres. En la matière, toutes les PME sont concernées et devraient identifier des cas concrets », insiste le CEO. « On le voit avec la cybersécurité qui constitue une urgence du marché ». Un sujet sensible, au cœur de l’actualité et sur lequel Manuel Pallage préfère d’ailleurs ne pas s’épancher. C’est que la sécurité des uns commence par la discrétion des autres. Un exercice de vigilance impératif qui nous concerne tous. Si vis pacem, para bellum.
À moins de vivre dans une caverne, on ne peut ignorer cette menace. La question n’est plus de savoir si on va se faire attaquer, mais quand. Parfois même, c’est déjà en cours, mais on ne le sait pas encore. Les grandes et moyennes entreprises en sont conscientes. Le risque majeur, ce sont les PME de moins de vingt personnes avec un patron qui court énormément, c’est-à-dire la majorité en Wallonie et à Bruxelles
Manuel Pallage, CEO de NSI IT Software & Services
Be the Change
Si anticiper le changement reste la meilleure manière de s’y préparer, chez NSI, l’effort va bien au-delà. Il s’agit d’un des axes d’une culture d’entreprise forgée au fil du temps et qui fait la force du groupe. Célébrée et rappelée un peu partout dans les bureaux par des affiches inspirantes, celle-ci met en avant le respect, l’écoute et la compréhension, la satisfaction du client, l’engagement et la responsabilité, mais aussi le service de proximité et la fiabilité. « On travaille dur, on célèbre les grandes et les petites choses du quotidien. On ne laisse jamais un collègue ou un client au milieu du gué. On valorise l’intelligence collective et on fonctionne sur base d’une hiérarchie très plate », détaille Manuel Pallage, heureux d’avoir réussi à maintenir un état d’esprit simple et convivial – « familial » – en dépit des phases successives de croissance de la société, qui est passée de 190 employés à près de deux mille, et a multiplié son chiffre d’affaires par encore bien davantage.
« Ça peut sembler bateau, mais ça ne l’est pas. Ici, tous les Managers sont câblés de la même manière. Quand on a une culture aussi forte, on s’y adapte ou pas, mais ça permet de corriger une série d’éléments, de s’autogérer». Sur le long terme, force est de constater le succès de la stratégie. Le groupe enregistre peu de départs et la greffe semble avoir également pris dans les territoires étrangers où NSI est présente : à Paris, à Marseille, à Montréal et au Luxembourg où le groupe se situe dans le top 3 des acteurs IT. Une croissance organique, renforcée par quelques acquisitions savamment sélectionnées « Là aussi, on a toujours considéré la culture de travail comme un critère dans nos acquisitions et ça s’est toujours bien passé, preuve qu’une culture alignée aide au processus d’intégration ».
Soutenue par ses deux actionnaires « en or », le groupe IT Cegeka et Noshaq, NSI a pour stratégie de croissance de se concentrer sur les marchés francophones, en bonne intelligence avec son « grand frère » limbourgeois qui vient parfois l’épauler et avec lequel il existe une politique de partage technologique. Sur les 1900 collaborateurs que compte NSI, 170 sont basés en France, 30 à Montréal, 550 au Luxembourg et le reste en Belgique, répartis entre Awans, Braine et Tournai.
Une ouverture assez récente à l’international qui rencontre un franc succès et explique la belle croissance du groupe liégeois, qui semble avoir trouvé la recette pour s’imposer. « Très honnêtement, du talent, il y en a partout. Mais le talent seul ne suffit pas. Ce qui fait notre différence, c’est notre manière de travailler, notre philosophie. Dans la relation de travail avec un client, ça compte énormément. Par exemple, nous n’externalisons pas un euro en dehors du groupe et toutes nos implantations recrutent. Au Luxembourg, nous ne comptions pas un collaborateur en 2010. Aujourd’hui, ils sont plus de 500 et NSI est un des principaux acteurs IT au Grand-Duché ».
En 2025, on devrait clôturer l’année avec un chiffre d’affaires de 270M€ et l’ambition de continuer notre croissance. C’est important, il faut garder cette volonté, autrement, c’est accepter que l’on puisse stagner et on rentrerait alors dans une dynamique qui n’est pas celle que je veux
Manuel Pallage
French Touch
On l’aura compris, le CEO n’en a pas fini avec NSI, dont il entend bien continuer à accélérer la trajectoire. Une bonne nouvelle pour l’écosystème wallon et la région liégeoise. Pour Manuel Pallage, ça ne fait d’ailleurs aucun doute, la tech en Wallonie est un secteur d’avenir et qui bénéficie d’une belle maturité. « Tous les ingrédients sont là : nous avons des locomotives telles qu’Odoo, NRB, EVS ou Gaming1, de très bonnes écoles avec HEC ou LSM, des fonds disponibles au travers d’acteurs tels que Noshaq ou LeanSquare et une scène start-up dynamique ». Des éléments essentiels à la mise en place d’un cercle vertueux où les succès des uns viennent renforcer ceux des autres, tout en alimentant l’intérêt général pour le secteur.
L’IT wallonne est aujourd’hui un axe de reconversion industriel de la Wallonie au moins aussi riche que les Life Sciences ou la logistique. Sur le Brabant et Liège en particulier, on recense énormément de boîtes innovantes
Manuel Pallage
Une dynamique générale que le groupe liégeois entend matérialiser avec un nouveau bâtiment à Droixhe, dans un quartier en transition. Un écrin moderne de 8.000m2 confié à l’antenne liégeoise du bureau d’architecture SYNTAXE, entièrement développé par Noshaq Immo en bord de Meuse et destiné à accueillir des bureaux pour 400 personnes, mais aussi des espaces d’échanges et de séminaires. Une illustration de la grande complémentarité qui unit l’opérateur liégeois à son actionnariat historique. La preuve aussi qu’à Liège, les lignes bougent : « C’est vrai que ça a été compliqué ces dernières années. Mais si on sort de la critique facile, force est de constater que ça devient une ville vachement bien, vachement moderne, et beaucoup de choses sont faites pour la rendre sympa. D’ailleurs, les touristes ne s’y trompent pas, c’est désormais habituel de croiser des gens qui ne parlent pas français à Liège ».
L’échange touche à sa fin. On s’autorise un pas de côté en évoquant les passions du CEO, féru de musique. Auteur, compositeur et guitariste, celui-ci partage chaque samedi ses coups de cœur sur les réseaux. L’occasion de faire grandir sa Saturday LinkedIn Indie Playlist, devenue un véritable rendez-vous qui totalise à l’heure d’écrire ces lignes 24h et 20 minutes de chansons à découvrir. Une manière aussi de glisser de-ci de-là une ses propres créations sous le pseudonyme de Time to Act. L’occasion de s’interroger sur la valeur ajoutée de l’intelligence artificielle pour la société et ses écueils quant au processus créatif.
« Ça ne me dérange pas que l’IA remplace l’humain là où il est de toute façon utilisé comme un robot, car c’est du travail à faible valeur ajoutée. De manière générale, l’IA doit augmenter l’humain, l’assister dans sa prise de décision, mettre en évidence des choses imperceptibles, mais ce dernier doit rester à la manœuvre. Sur l’écriture créative, je travaille en ce moment sur une chanson. Ma fierté, c’est de le faire moi-même, mais si quelqu’un veut le faire avec l’IA, je ne peux pas l’en empêcher. Ce que je fais parfois, c’est d’y recourir pour valider certains textes que je rédige dans un anglais complexe ».
Manuel Pallage le jour, Time to Act la nuit ? Au moment de se quitter, on ne résiste pas à lui poser une dernière question : doit-on dire Manuel ou Manu ? « Manu !, réagit du tac au tac l’intéressé. Manuel, il n’y a que ma maman qui m’appelle comme ça ! »
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